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Lettre d’information. numéro 23. 15 décembre 2005
La Roumanie en fanfares!
Le sentiment que le français et le roumain sont des langues « sœurs » imprègne depuis toujours la conscience collective d’un peuple que les rigueurs extrêmes du système communiste n’ont jamais réussi à faire taire. Dès l’époque des Lumières, quand l’élite roumaine avait coutume d’aller faire ses études en France, puis au début du siècle dernier, quand Bucarest était appelé « le petit Paris », et jusqu’au cœur des « années de plomb », la diaspora des artistes et des intellectuels roumains a fait essaimer son génie dans toute l’Europe, avec une préférence marquée pour la capitale française, que ses descendants s’apprêtent à retrouver l’an prochain. Constantin Brancusi, le pionnier du renouvellement de la sculpture moderne, Eugène Ionesco, le créateur du théâtre de l’absurde, Tristan Tzara, le fondateur de Dada, le poète et plasticien Gherasim Luca qui apposa sa marque sur le mouvement surréaliste, Emil Cioran, l’essayiste et moraliste « passionné d’indifférence », le romancier et l’historien des religions Mircea Eliade, parmi tant d’autres qui sont venus nourrir notre commune culture, ont emprunté jadis ce « pont de latinité » qui relie les rives de la mer Noire aux bords de Seine.
Pour nombre de participants aux francofffonies !, leur venue à Paris sera donc moins à l’origine d’une découverte que l’occasion de retrouvailles chaleureuses. Ainsi, la poétesse Letitia Ilea, qui traduit elle-même ses œuvres dans la langue française qu’elle enseigne à Cluj, invitée au Salon du Livre 2006, a-t-elle été déjà l’un des auteurs récemment sélectionnés par les Belles Etrangères. A ses côtés, Matéi Visniec et Virgil Tanase témoigneront de la vitalité de la littérature francophone, célébrée notamment dans un numéro spécial de la Revue Internationale de l’Imaginaire que publiera pour l’occasion la Maison des Cultures du Monde.
En ce même lieu, retentiront alors les cuivres de la fanfare de la Moldova (région moldave de la Roumanie, à l’extrémité Nord-Est du pays) et les violons de l’orchestre tsigane de Transylvanie, qui glissent avec une incroyable virtuosité sur les notes et les rythmes glanés par les musiciens au pas de leurs errances : morceaux bengalis, afghans, iraniens, ouzbeks, turcs, arabes, grecs, hongrois ou… roumains, souvent joués avec des instruments bricolés par les interprètes eux-mêmes, dont émane le « dor », cette nostalgie indéfinissable d’une Terre Promise, inaccessible, qui rend la musique tsigane tellement poignante.
On retrouvera celle-ci, en plus allègre, dans le cadre de Paris Quartier d’été où se produira Mahala Raï Banda – littéralement : « le noble orchestre du ghetto » -, un nouveau groupe basé à Bucarest et formé par deux musiciens liés au Taraf de Haïdouks : violons, accordéons, mais aussi cuivres confiés aux vétérans des fanfares militaires, sur une rythmique qui « déménage » en mélangeant les styles et les genres avec un irrésistible entrain.
Si l’on ajoute à ces scènes roumaines les espaces qui s’ouvriront – dans le cadre de « Faites vos Jeux » – au jeune plasticien roumain Mircéa Cantor, familier des galeries parisiennes dont le Centre Pompidou a présenté les œuvres pas plus tard que cette année, et les micros qui vont se tendre pour le Prix Radiofffonies auquel la radio nationale roumaine participera lors de la Fête de la Musique, on constate que Bucarest n’a pas été choisi au hasard pour accueillir, en novembre 2006, la soixantaine de chefs d’État et de gouvernement des pays francophones qui participeront au prochain Sommet de la Francophonie !
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