20e Congrès à Sinaïa25 Juin - 2 Juillet 2006Résumés des communicationsVendredi 30 juin 2006 |
Vendredi 30 juin, 9h00-10h30
Session I. Sexualités
Présidente : Anne BROWN
Secrétaire : Alexandra DESTAIS
« Violences sexuelles chez Raphaël Confiant », Florence Ramond JURNEY, Gettysburg College
Si deux des derniers romans de Raphaël Confiant ont beaucoup en commun, ils offrent cependant un contraste frappant quant à la représentation qu’ils donnent de la sexualité des divers personnages. Ainsi, alors que Le Barbare enchanté et Adèle et la pacotilleuse mettent en jeu des personnages historiques (Gauguin et Adèle H.) dans une fiction, Raphaël Confiant n’hésite pas à élargir son champ de vision en donnant la part belle à l’imaginaire créole et en créant des personnages qui se distinguent par leur sexualité. Qu’ils jouent un rôle actif ou restent simplement passifs, l’attitude de ces personnages semble dépasser « l’exagération » que décrit Thomas Spear dans “Jouissances carnavalesques : Représentations de la sexualité” pour rejoindre ce qui me semble être une certaine systématisation de la violence. C’est de cette systématisation dont il sera question dans cette communication. J’analyserai tout d’abord les différentes représentations que donne Confiant des relations sexuelles dans les deux romans en question en décrivant particulièrement la dynamique qui existe entre pouvoir et genre sexuel. Je contrasterai ensuite ces représentations avec d’autres existant chez des auteurs féminins tels que Gisèle Pineau et Maryse Condé. Enfin, j’essayerai de répondre à certaines questions posées par un tel contraste : assiste-t-on à un durcissement du machisme antillais depuis qu’il a été dénoncé par A. James Arnold (1994) ? Comment interpréter cette systématisation de la violence sexuelle présente dans les œuvres de Raphaël Confiant ? Existe-t-il une réponse face à cette attitude de violence dans la littérature antillaise d’auteurs féminins ?
« La remotivation charnelle de l’écriture érographique féminine : Alina Reyes, Catherine Millet, Nedjma », Alexandra DESTAIS, Université de Caen
Selon Alexandrian, la littérature érographique féminine relèverait davantage des sens que du cérébral. Les femmes seraient moins aptes à « convertir en idées et en images » les sensations sexuelles. En réalité, les écrivaines ont apporté au genre érographique de nouvelles ressources. Au contraire du récit sadien qui privilégie la mise en scène de machines corporelles plutôt que la description subtile des émotions physiques, c’est à partir d’une expérience concrète du corps vivant que les érographes féminins explorent les mécanismes du désir et du plaisir. Le montrant en prise avec tous ses sens plutôt que pris dans tous les sens, elles le racontent jusque dans ses manifestations les plus intimes. Reste à savoir si cette « remotivation » charnelle d’une écriture longtemps subordonnée à l’expression d’une performance masculine parvient également à construire un « sens ». Privilégiant le « je » érographique, moins assujetties à la nécessité de construire une théorie du désir ou une philosophie du plaisir, plus attentives aux répercussions psychologiques de l’érotisme des corps, les écrivaines semblent moins friandes des procédés de distanciation qui permettent au lecteur d’exercer sa liberté de récepteur libre, actif et capable de concevoir une signification. La « remotivation » charnelle de l’écriture érographique entraîne-t-elle un certain relâchement du sens ? Ne risque-t-elle pas de tenir les femmes éloignées du « logos » et de les réduire à l’expression de l’intime ? Où se situent les lieux de la signification dans ces écritures à forte composante organique et/ou sensuelle ?
« Éros enchaîné ou la représentation de la fille de joie dans Putain de Nelly Arcan », Anne BROWN, Université du Nouveau-Brunswick
À l’ère où les réseaux de la traite des femmes se multiplient à l’échelle internationale alors même que plusieurs pays envisagent de libéraliser la prostitution, Nelly Arcan focalise, dans son roman autobiographique, sur l’univers cauchemardesque des travailleuses du sexe tout en jetant une lumière révélatrice sur la crise identitaire qui pousse son héroïne à sombrer dans les bas-fonds d’un monde illicite où le sexe et le corps féminins, soit l’être féminin tout entier, sont soumis à un système de domination masculine. Et si la modernité se flatte d’avoir gardé le consentement des individus comme critère privilégié pour départager les actes licites des actes illicites, nous verrons que, dans Putain, le « consentement » de la prostituée est rarement conjugué à l’ombre de l’autonomie et de la liberté. En effet, notre analyse révélera que ce sont plutôt des contraintes d’ordre social, familial, culturel, psychologique et économique qui donnent naissance au « consentement » de la femme entretenue tout en la poussant aux marges de la société en la condamnant, par ricochet, à évoluer dans un univers susceptible de la transformer en vulgaire objet de commerce et de consommation.
Session II. Approches didactiques
Présidente : Rose-Marie KUHN
Secrétaire : Nicole VAGET
« La Jeune femme à la rose de Jean Joubert : approches diversifiées de lecture et intertextualités », Béatrice LIBERT, écrivaine, Belgique
En abordant La Jeune femme à la rose de Jean Joubert, je me propose d’abord de situer l’œuvre de ce grand romancier et poète français, de montrer quels thèmes joubertiens traversent ce récit à la fois surréaliste et fantastique, d’en révéler la structure narrative. J’aborderai les symboles, les intertextualités, l’écriture poétique en elle-même et, à travers diverses pistes pédagogiques, les contenus culturels qui ouvriront le champ de la lecture. Je révélerai l’ancrage réaliste du roman et suggérerai des propositions d’écriture. Le but étant de susciter l’envie, au-delà de ce roman, de découvrir l’œuvre passionnante d’un auteur classique pour la jeunesse, ancien prix Renaudot et poète couronné, qui a bien des choses essentielles à nous dire.
« Nouvelle approche à l’analyse des textes littéraires : encodage avec XML/TEI et narration multimédia avec Imovie », Nicole VAGET, Mount Holyoke College
Cette intervention se propose de montrer comment les technologies de pointe nous permettent d’offrir aux étudiants des textes électroniques interactifs avec images, vidéo, notes culturelles, traductions qui en facilitent lecture et compréhension. Démonstration sur deux textes : l’un en poésie francophone moderne et l’autre en prose du XVIIIe siècle.
« Technologie, didactique, écriture : à la recherche d’une approche pédagogique intégrale de la littérature francophone », Rose-Marie KUHN, California State University Fresno
Cette intervention se propose de montrer comment certaines techniques de l’information facilitent la création d’un espace intellectuel unifiant dans lequel les étudiants entreprennent une démarche résolument critique dans leur étude de la littérature francophone. Je parlerai des approches pédagogiques qui permettent une telle réflexion et je discuterai également des stratégies d’écriture qui visent à encourager les étudiants à remettre en cause leurs propres convictions, à explorer d’autres cultures, traditions et idéologies, à en respecter les divergences, à prendre conscience des disparités sociales qui existent dans toutes les sociétés, et peut-être même… à encourager nos étudiants à chercher à effacer ces inégalités dans leur propre communauté, sinon à l’échelle internationale.
Session III. Littératures francophones : les îles de l’Océan indien
Présidente : Bénédicte MAUGUIÈRE
Secrétaire : Eileen LOHKA
« La mémoire dans le roman malgache francophone : les racines d’antagonismes historiques », Raoul F. HOLLAND, Université Nanzan
Madagascar se relève actuellement de tiraillements politiques qui ont failli mener à la guerre civile, et qui ont mis à nu des antagonismes historico-ethniques entre Malgaches des Hauts Plateaux du centre et ceux des périphéries. En effet, de tels antagonismes persistants s’expliquent non seulement par les soubresauts politiques de ces dernières années, mais également par les racines historiques des peuples de l’île-continent. Les romanciers francophones font souvent allusion à ces faits du passé qu’une certaine élite voudrait taire pour des raisons d’unité nationale et d’intégrité territoriale, mais que d’autres jugent au contraire qu’il faut révéler au grand jour afin de procéder au nécessaire « travail de mémoire » entre Malgaches. Jean-Joseph Rabearivelo (1931) évoque le premier l’empire des Merina sur les ethnies des côtes et l’esclavage qui en faisait partie, jusqu’à son abolition par la France il y a tout juste 110 ans. Ensuite Michèle Rakotoson et Jean-Luc Raharimanana, dans des romans récents, mettent en scène des personnages qui évoquent les souffrances atroces de leurs ancêtres sous le joug de la servitude, ainsi que leurs propres souffrances – non plus charnelles mais toujours morales – au sein de la société malgache contemporaine. Il est d’ailleurs significatif que tous les deux vivent et écrivent en exil, en France. Nous proposons d’examiner et de réfléchir sur ces textes qui découvrent les racines les plus lancinantes de la personnalité collective madécasse, et qu’il ne faut surtout pas occulter si l’on veut comprendre certains problèmes actuels de la Grande île.
« Dialogues et résistances dans l’écriture aphoristique chazalienne », Elodie LAÜGT, University of Leeds
En prenant pour point de départ la rencontre entre les surréalistes et l’écrivain mauricien Malcolm de Chazal dans les années 1940, je me propose de montrer comment l’écriture de ce dernier constitue une pratique à la fois poétique et aphoristique originale dans le contexte postcolonial de la littérature francophone. B. Lecherbonnier a montré comment la croyance de Chazal en une vérité une et absolue s’enracine dans un auto-positionnement théosophique que renforce l’écriture aphoristique. De sorte que l’absence de réflexivité de sa propre écriture, et son rejet d’une certaine conception de la rationalité, semblent le placer en dehors de la modernité comme crise de cette dernière. La question centrale de mon travail sera alors modelée à partir de celle que se posait Chazal lui-même, à savoir : « par quels isthmes de la pensée André Breton me raccordera-t-il au surréalisme ? ». J’examinerai ainsi comment Sens-Plastique et Sens-Magique apparaissent comme la création de réseaux multiples de correspondances qui, s’inspirant à la fois de la tradition de l’écriture fragmentaire occidentale et de la culture orale mauricienne des sirandanes, permettent d’envisager les formes d’énonciation courtes comme un moyen de résistance à la culture métropolitaine française dominante. La place marginale qu’occupe Chazal à la fois par rapport à la scène littéraire française et au reste du monde littéraire francophone me permettront d’explorer comment son écriture permet une remise en question de l’orientalisme tel que le définit E. Said.
« La femme, cette inconnue : l’Isle de France, terre des hommes », Eileen LOHKA, Université de Calgary
Qui était l’habitante de l’Isle de France entre 1721 et 1810, pendant la période coloniale française ? Que préservent la mémoire collective et/ou la mémoire institutionnelle d’un pays quand il s’agit de cette femme ? Projet, en deux volets, de congé sabbatique à l’île Maurice, il m’importait de retrouver l’être de chair et d’os tel que profilé dans les documents dits historiques, principalement dans les archives et les papiers de famille. Un deuxième volet permettrait de tracer les femmes mythiques dans les contes et légendes des créoles de la côte pour, peut-être, retrouver les femmes qui leur ont donné naissance. Recherche fascinante qui a révélé des statistiques, des stéréotypes, des objets, des bêtes traquées voire aussi des chasseresses, des figures mythiques et fictives mais presque nulle trace de la femme en tant que mère, collaboratrice, en tant qu’être humain que l’on peut suivre à travers les actes familiers de la vie de tous les jours. Nul journal intime, très peu de lettres à une époque où de nombreuses femmes en écrivaient. Quelques images se dessinent cependant, poignantes ou courageuses, et les surprises abondent : on en arrive à se demander qui était vraiment libre dans cette société îlienne axée sur le commerce international dès ses premiers jours. Reste à s’interroger sur la raison de ce silence accusateur…
Session IV. Regards sur l’activité littéraire féminine franco-roumaine de notre temps
Présidente : Raymonde BULGER
Secrétaire : Margarita GYURCSIK
« Une écrivaine roumaine au Québec : Felicia Mihali », Neli Eiben FARIMA, Université de l’Ouest, Timisoara
D’abord journaliste à l’Événement du jour (Evenimenful Zilei), un journal roumain, Felicia Mihali a fini par rejoindre la grande famille des écrivains. Ce n’est qu’après son émigration au Québec qu’elle a commencé à écrire directement en français. Nous verrons comment l’image de la femme roumaine se reflète dans ses livres ainsi que la description de son statut social, et nous soulignerons les changements après l’émigration.
« La montagne magique de Rodica Iulian », Margarita GYURCSIK, Université de l’Ouest, Timisoara
Rodica Iulian vit en France depuis 1980. Fin de chasse (L’Harmattan, 2001), qui fait l’objet de notre analyse, est son troisième roman en français, après Le Repentir (1991) et Les hommes de Pavlov (1995). Le roman évoque la magie de la Montagne envisagée comme espace symbolique et mythique où s’inscrit l’histoire d’un homme – professeur d’histoire à la retraite – dont le choix en faveur de l’isolement équivaut à la recherche de la vraie vie et de l’identité authentique. Aussi le roman renferme-t-il une réflexion sur la condition humaine à partir des oppositions nature-culture, individu-société, réalité-rêve, présent-passé. L’analyse met en évidence la spécificité et l’originalité du roman au niveau de la problématique et de l’écriture.
« Littérature roumaine et croate en France », Cheryl TOMAN, Case Western Reserve University
Les littératures contemporaines de Roumanie et de Croatie sont de plus en plus appréciées en France et elles reflètent une admiration réciproque entre la France et l’Europe de l’Est. On peut trouver de nombreux ouvrages roumains et croates non seulement traduits en français mais souvent, c’est l’auteur roumain ou croate qui écrit en français ou qui traduit son propre ouvrage. Dans le cas de Letitia Ilea, par exemple, une auteure qui avait grandi avec le français chez elle en Roumanie, elle dit que « souvent, le premier vers vient en français ». Ilea trouve du succès en France malgré le fait que la littérature contemporaine roumaine s’exporte assez mal. Quant à la Croatie, son rapport avec la France s’est épanoui pendant et après la guerre des années 90, grâce notamment à un vaste mouvement de générosité de la population française qui fait preuve d’une grande solidarité–c’était la France qui a offert des milliers de tuiles pour réparer les toits de Dubrovnik après les bombardements dévastateurs de cette ville historique. Pour cette communication, j’analyserai deux textes en français issus de deux projets importants entre la France et l’Europe de l’Est qui montrent cet esprit francophile en Roumanie et en Croatie en particulier. Le livre, Douze Écrivains roumains : Les Belles Étrangères est une anthologie de textes inédits qui vient de paraître, et le deuxième livre s’intitule En ces temps du terrible : Anthologie de la poésie croate de guerre – un recueil de poésie qui discute la nature humaine et les racines de la guerre. Cette analyse sera littéraire et culturelle.
« Les Ulysses des temps modernes dans Un Miroir aux alouettes de Corina Mersch, Roumaine au Luxembourg », Raymonde BULGER, Graceland University
Le petit dictionnaire de la pensée nomade, sous-titre d’Un miroir aux alouettes (Éditions Phil, Luxembourg, 1999) est une mosaïque de citations commentées de textes d’écrivains luxembourgeois, de Cioran compatriote roumain troqueur de langues et de Derrida le franco-magrébin. Les tempêtes des mésaventures, la béance possible des accidents et la découverte de l’altérité par l’étranger qui arrive en dérivant seront soulignés. Corina Mersch tend son miroir aux nomades qui traversent ponts, océans, tunnels, intercalant naufrages et escales dans un incessant galop. Elle est aussi collaboratrice de la revue Seine et Danube dirigée par Dumitru Tsepeneag à Paris.
Vendredi 30 juin, 10h45-12h15
Session I. Genres littéraires et traduction en francophonie II
Président : Jean-Marc GOUANVIC
Secrétaire : Louise LADOUCEUR
« Michel Tremblay, traducteur de Tennessee Williams », Louise LADOUCEUR, Université de l’Alberta
Dramaturge canadien de premier plan dont les œuvres, traduites en vingt-deux langues, sont produites et acclamées dans le monde, Michel Tremblay est aussi un traducteur dont on parle peu bien qu’il ait déjà signé vingt-neuf traductions de pièces écrites en anglais, en italien, en portugais et en russe. Parmi ces pièces figurent six œuvres de l’auteur américain Tennessee Williams traduites en 1971, 1972, 1997 et 2000. Ces traductions sont toutes inédites et certaines d’entre elles ont donné lieu à plusieurs versions au fil des productions dont elles font l’objet. Parce qu’elle couvre une période de près de trente ans, l’étude du répertoire de Tennessee Williams traduit par Tremblay permet d’observer le parcours suivi dans les stratégies de traduction employées depuis l’époque où la traduction devait répondre aux besoins d’une dramaturgie québécoise naissante jusqu’à ce que soit constitué un solide répertoire national dans lequel la traduction est appelée à remplir d’autres fonctions. Cette étude permet aussi de voir quels sont les procédés employés par l’auteur qui, avant de devenir le dramaturge canadien canonique par excellence, avait révolutionné le théâtre au Québec en 1968 en consacrant la langue populaire comme langue de scène. À la même époque, Tremblay entreprenait une œuvre de traduction qui se poursuit encore et qui constitue un répertoire important et peu étudié au sein d’une œuvre qui a profondément marqué la dramaturgie canadienne. Enfin, le traducteur étant un auteur jouissant d’une grande notoriété et sur lequel on dispose de nombreux points de repère biographiques, critiques et esthétiques, cette recherche se prête fort avantageusement à l’étude du sujet traduisant et des conditions matérielles dans lesquelles s’effectue la traduction, des allégeances dont elle procède, des relations de travail qu’elle met en jeu et des intérêts dont elle est l’enjeu.
« Henry Langon, traducteur de The Scarlet Letter, ou José-André Lacour : l’homme aux huit visages », Julie ARSENAULT, Institut du monde anglophone, Sorbonne Nouvelle Paris III
José-André Lacour est l’un des nombreux traducteurs qui, au XXe siècle, a offert aux différents publics francophones des traductions des œuvres des littératures américaine et anglaise. Le rôle qu’il a joué et l’influence qu’il a eue dans les pays francophones, découlant en partie du fait qu’il a vécu et qu’il a été publié en Belgique et en France, ne sont pas négligeables. Pour le voir, nous proposons d’orienter notre communication selon trois axes : l’agent traducteur, les traductions effectuées par Lacour et la traduction de The Scarlet Letter de Nathaniel Hawthorne. Lacour est un homme aux talents et aux visages multiples. Nous le ferons découvrir en levant le voile sur les huit différentes identités qu’il a prises, à divers moments de sa vie, pour mener à bien ses différentes carrières, car il n’est pas que traducteur ; il est aussi auteur, dramaturge et adaptateur (théâtre). Nous nous pencherons tout particulièrement sur un exemple concret de traduction : La Lettre écarlate de Hawthorne. Nous examinerons les passages de ce grand roman puritain en faisant une analyse contrastive – comparaison du texte original et de sa traduction. Cette analyse permettra de déterminer le type de traduction exécutée par Lacour. Enfin, nous conclurons en dégageant les éléments centraux qui permettent de cerner l’influence de Lacour dans les pays francophones ainsi que le rôle qu’il a joué en faveur d’une meilleure connaissance des activités de traduction dans le domaine littéraire.
« Lectures traductives et traductions lisibles de poésies – exemples français, hongrois et allemands », Stephan KRAUSE, Humboldt-Université Berlin
L’adaptation de poésie d’autres langues a toujours été significative pour la présence d’un texte dans la Weltliteratur goethéenne. Cette littérature mondiale se présente souvent en traduction. Parler de cette dernière veut dire retracer les actes décisifs qui démontrent une impossibilité en tant qu’incapacité d’être achevée. La traduction impose la décision interprétative par son devenir et son existence même. Néanmoins l’adaptation poétique montre un travail continu qui, en effet, participe à former l’entier textuel du modernisme. Sur ce plan cette communication présentera les traductions de deux poèmes exemplaires : des adaptations hongroises et une traduction allemande de « Chanson d’automne » de Paul Verlaine. La communication tiendra compte des rapports de différence et de similarité interprétatifs entre les lectures traductives différentes. Dans quelle mesure ces dernières accomplissent-elles et commencent-elles une lisibilité en adaptations du poème français ? Ces traductions représentent-elles des exemples de réécriture ou même de palimpseste par rapport à l’original français ? Quels aspects du poème ces interprétations traductives privilégient-elles et comment ? Un deuxième aspect linguistiquement inverse sera l’adaptation française et allemande du poème hongrois « Eszmélet » (Éveil) de Attila József. « Eszmélet » sera analysé afin de revenir à une lecture du texte qui consistera effectivement de la double-lecture de l’original et des adaptations. La communication aboutira à une idée de traduction plurielle de francophonie, reflétée dans les directions traductives inversées des transferts de sens et de forme lyrique. Cette idée participe au contexte d’une langue universelle de la poésie que l’on redécouvre essentiellement dans le travail inachevable de l’adaptation poétique.
« La traduction du roman policier anglo-américain en France après 1945 : la Série Noire, lit de Procuste ou structure créative ? », Jean-Marc GOUANVIC, Université Concordia
La fondation de la collection de la Série Noire en 1945 par Marcel Duhamel correspond à l’entrée massive des récits « hard-boiled » américains en traduction dans le champ français du roman policier. Après des débuts un peu poussifs, la collection connaîtra un immense succès jusqu’à ce que, grosso modo, la collection Folio Policier prenne le relai. Or, la Série Noire impose aux récits des exigences très précises en ce qui touche la formule éditoriale et, en particulier, le nombre de pages (maximum de 256 pages). Nous examinerons quel est l’impact de la formule de la Série Noire sur la traduction : est-ce un lit de Procuste, comme les critiques des romans ont tendance à le dire depuis quelques années ? Est-ce une structure créative qui permet à des auteurs disséminés dans la culture américaine d’être publiés dans une collection ciblée avec un public fidèle ? Nous verrons sur quels critères de traduction le succès de la collection est fondé, ce que les romans publiés doivent à la formule de la série établie par Marcel Duhamel et ce qu’ils perdent dans l’opération de traduction selon cette formule. Nous analyserons brièvement un roman de Dashiell Hammett, le père du récit hard-boiled qui a fait la fortune de la Série Noire.
Session II. Carrefours littéraires et questionnements identitaires
Présidente : Marie-Noëlle RINNE
Secrétaire : Caroline LEBREC
« Le procédé de la mise en abyme de l’écriture comme projet de transculturation littéraire dans le roman de Georges Ngal Giambatista Viko ou le viol du discours africain », Caroline LEBREC, Université de Toronto
Le premier roman de Georges Ngal, Giambatista Viko ou le viol du discours africain ([1975] 1984) pose la question de l’identité culturelle de l’intellectuel africain francophone, au moment de son retour en Afrique. Giambatista Viko a été formé dans les universités européennes francophones et son discours n’a plus de rien d’africain ; il est celui de la « blanchitude » (Ngal, 1994). Il a l’ambition de révolutionner la tradition romanesque occidentale en réalisant un projet de transculturation littéraire. Entre oraliture et littérature, ce projet porte le nom de « littérature gestuelle » (Ngal, 1984). Roman quasi dialogué, la réflexion oralisée de l’écriture permet au narrateur de réaliser le projet transculturel énoncé par son personnage. Entre projet transculturel et opportunisme ethnocentrique, la mise en abyme de l’écriture dans le roman permet une problématisation de l’identité de l’écriture africaine. Dans cette problématique de l’écriture et du rôle de l’intellectuel africain, je propose de réaliser une étude de l’identité de l’écriture africaine telle que Georges Ngal la présente dans son premier roman. Pour cela, je me sers de ses théories sur l’identité narrative, linguistique et culturelle formulées dans son ouvrage théorique Création et rupture en littéraire africaine (1994). En confrontant les deux notions théoriques de « création » et de « rupture » et les deux notions romanesques de « blanchitude » et de « littérature gestuelle », mon objectif est de cerner le rôle de l’écrivain francophone pris entre le désir de dialogue interculturel et littéraire et celui de la tradition ethnocentrique culturelle et littéraire.
« L’air de l’autre : la poétique interculturelle du roman de Patrick Grainville », Pascal MICHELUCCI, Université de Toronto
L’exotisme de Patrick Grainville (Goncourt 1976) s’exprime par le choix de personnages africains ou métisses qui donnent accès au narrateur à un univers culturel autre, qui lui inspire alors en retour une vision lyrique et baroque de cet ailleurs, dans le style imagé et foisonnant pour lequel il est connu. Si l’on note la réflexion sur la différence ethnique et culturelle et ses relations à l’expression artistique, à ses racines mythiques, le roman de Grainville ne paraît plus comme un exercice stylistique superficiel : il présente en fait, bien plus assidument que d’autres œuvres contemporaines, une poétique romanesque interculturelle qui réfléchit sur la place de l’artiste français, son imaginaire au sens large, dans une contemporanéité de plus en plus vécue sur le mode pluriel et sous la forme du contact entre les cultures. Ainsi, le thème de la place de l’artiste dans le creuset des cultures sous-tend souvent explicitement de tels romans, comme L’atelier du peintre (1988). Pour ne prendre que les exemples les plus parlants, l’adolescent zaïrois Bidji, doué d’une « étrange facilité de parole », introduit les protagonistes des Forteresses noires (1982) à l’univers infernal des sous-sols du quartier de la Défense. D’autres romans exploitent des personnages symboliquement comparables. Il paraît donc intéressant de s’attaquer à l’œuvre – malheureusement peu étudiée – de Grainville en tentant de rassembler les problématiques diverses qui la traversent, sans se laisser aveugler par le chatoiement des images et le délire verbal.
« Portrait de l’écriture minoritaire de l’Ouest canadien », Marie-Noëlle RINNE, Lakehead University
Bien que le français soit une langue officielle dans tout le Canada, cette langue se trouve en situation minoritaire dans les provinces de l’Ouest, étant à la fois occultée par l’omniprésence de l’anglais et par l’existence d’une autre francophonie : celle du Québec. La littérature francophone qui émane de ces provinces reflète cette précarité de plusieurs façons : à travers sa thématique, à travers ses écrivains et à travers les particularités de son bilinguisme. C’est à ses trois aspects de la francophonie de l’Ouest canadien que s’intéresse cette recherche afin d’esquisser le portrait d’une région mal connue de la francophonie internationale. La thématique de cette littérature se situe en parallèle à celle des littératures de l’exil : errance, marginalité, métissage. D’autre part, les rapports que les auteurs francophones entretiennent avec l’anglais, l’autre langue officielle, définissent un état de bilinguisme unique, état dans lequel des auteurs s’expriment successivement en anglais et en français et parfois en franglais. Cette production caractérise une situation de diglossie, suggérant entre autres l’impossibilité de ne vivre ou de n’écrire qu’en français ainsi que la « nécessité » de se référer à l’anglais. Cette étude propose donc de mieux définir les conditions langagières et culturelles dans lesquelles s’inscrit la littérature canadienne de l’Ouest tout en montrant ce que cette littérature dit de ces conditions, de cette identité qu’elle tente d’achever.
Session III. La vie, sa trace, son écriture
Présidente : Colette NYS-MAZURE
« Horia Badescu, l’expérience de la mémoire », Rodica LASCU-POP, Université de Cluj
Poète, romancier, essayiste, Horia Badescu est l’auteur de plus d’une vingtaine de volumes (certains parus en traduction en France, en Belgique, aux États-Unis, au Viêt-Nam). Son œuvre, pour la plupart créée sous le régime totalitaire, explore les strates les plus profondes de la mémoire, puisant aussi bien aux sources du vécu personnel qu’à celles de l’histoire et de la mémoire ancestrale. C’est à travers l’écriture que Horia Badescu trouve sa liberté, qu’il tente d’exorciser le mal. Écriture qui pourtant ne peut s’exprimer directement ; pour duper la vigilance de la censure, l’auteur doit recourir à des subterfuges habiles : l’usage des paraboles, un style imagé, allusif, détourné, une ingénieuse rhétorique du non dit, de l’ambiguïté, de la suggestion. Ces stratégies narratives sont brillamment illustrées par le roman Le vol de l’oie sauvage (Bucarest, 1989, et Paris, Gallimard, 2000).
« La littérature, le dialogue, la traduction », Ion CRISTOFORO, rédacteur au bimensuel culturel Tribuna de Cluj
On écrit, le plus souvent, dans la solitude. Mais l’essentiel de la littérature n’est pas la solitude. La littérature est, avant tout, dialogue avec le monde, avec soi-même, avec le lecteur. Si l’écrivain se tourne vers le monde ce n’est pas pour le décrire ou pour le copier, mais pour affirmer sa propre présence, pour marquer avec le sigle de sa personnalité l’ordre des choses, le nœud, le tissu du réel. Le traducteur est lui aussi un créateur, qui a sa place privilégiée dans la magie des lettres. La traduction attentive, délicate et fidèle, exécutée par un bon connaisseur des ressources du langage, n’est pas automatiquement satisfaisante. La traduction est une œuvre de dévotion et d’humilité. Car souvent le traducteur est lui aussi un romancier ou un poète qui doit faire abstraction de ses propres convictions. Une bonne traduction nécessite une recréation totale, qui respecte la lettre et l’esprit du texte originaire. Si le traducteur n’est pas capable de saisir la littérature comme un œuvre de communion humaine, comme un acte de fraternité, son effort restera vanité stérile, une (im)pure opération linguistique.
« La mémoire des “arbres” chez les Acadiens », Jean-Luc DE SALVO, San Jose State University
Nous proposons dans cette étude d’expliquer et d’analyser le rôle et la fonction des arbres quant à la mémoire des événements douloureux liés à la Déportation chez quelques écrivains acadiens. Nous allons analyser aussi chez eux la valeur symbolique ou métaphorique de certains arbres, tels que le chêne, le bouleau, le sapin et le cormier. Comme nous allons le voir, les arbres servent de lieux de mémoire représentant l’un des plus grands trésors de l’Acadie, par exemple, chez Antonine Maillet et Claude LeBouthillier dans la mesure où la mémoire des « arbres » leur permet de remonter plus loin dans l’histoire.
« La vie, la fiction », Colette NYS-MAZURE, écrivaine
La littérature se nourrit de la vie, la vampirise, la phagocyte. Il s’agit de transposer. Les expériences se superposent pour former un humus dans lequel pousse la création ; derrière chaque personnage se dissimulent dix personnes rencontrées ; une scène est un kaléidoscope de fragments empruntés à ce qu’on appelle la réalité. Est-il nécessaire de fouiller la biographie d’un auteur afin de dégager ses motifs obsessionnels aussi bien que ses manières d’écrire ? Comment prendre en compte la dimension du rêve, de l’imaginaire sans tenter de réduire l’écrit à ses sources d’inspiration repérables ?
Session IV. Passions maghrébines et leurs inscriptions (inter)culturelles II
Présidente : Cécilia W. FRANCIS
Secrétaire : Maurice ARPIN
« Le Gone du Chaâba d’Azouz Begag : passions textuelles et intertextuelles », Maurice ARPIN, Université Saint François-Xavier, Antigonish
L’objectif de cette communication est de mettre en parallèle deux regards sur l’enfance dans un bidonville. Le regard sociologique d’Azouz Begag est, sous le couvert de la nostalgie, une analyse très détaillée, souvent humoristique, de la vie au Chaâba. La honte et la colère ressenties par le jeune protagoniste s’y résorbent dans la constante démythification dont font l’objet ces passions dans le roman publié en 1986. À rebours, l’adaptation cinématographique, réalisée par Christophe Ruggia en 1997, refuse la polyphonie romanesque et réactive ces passions dans toute la violence qu’elles peuvent susciter. Vision partisane des conditions de vie déplorables dans le Chaâba – et en cela annonciatrice de la médiatisation des manifestations d’octobre et de novembre 2005 à Paris – la version filmique élague tout ce qui serait susceptible de relativiser ou d’atténuer la responsabilité des institutions françaises, notamment le système d’éducation, dans le développement des inégalités sociales à l’ère post-coloniale.
« La danse de l’identité dans Des rêves et des assassins de Malika Mokeddem », Larysa Mykyta, North Carolina State University
Dans Des rêves et des assassins Malika Mokeddem présente et condamne la brutalité, la peur et le traumatisme psychique qui font partie de la vie quotidienne de la femme algérienne pendant les années quatre-vingt-dix. Le roman trace les circonstances dans lesquelles les femmes deviennent des exilées dans leur propre pays à cause de l’existence des normes horrifiques du genre et de la famille. Celles qui ne peuvent plus supporter une telle situation – comme Kenza, le personnage principal, qui décide de quitter l’Algérie pour aller en France – sont obligées de faire face aux contradictions et complications qui adviennent avec l’exil dans un pays étranger. Kenza trouve qu’il lui est aussi impossible de se sentir à l’aise dans la société française que de rester en Algérie – un état fréquemment rencontré dans l’écriture d’exil. Mais Mokeddem recourt aussi au concept du « métissage », qui porte souvent une connotation positive d’une amalgamation harmonieuse des différences. Le personnage de Slim, un adolescent moitié-algérien, moitié-malien, semble incarner la possibilité d’une telle harmonie puisqu’il vit sa réalité problématique de race mixte avec grâce et insouciance. Cependant, ce qui m’intéresse, c’est le glissement des frontières identitaires quand elles sont associées aux images d’un mouvement continuel – le désert et son sable mouvant, la mer et son va-et-vient entre le pays d’origine et le pays d’exil, et le « skate-boarding » de Slim caractérisé par un ballet d’activité. En délimitant les configurations de ces images et les liant aux efforts de Kenza pour retrouver sa mère (une origine perdue) et à sa décision de s’installer dans un pays où elle n’a pas de racines, j’espère présenter une conception d’identité plus problématique que celle qui à première vue se dessine dans ce texte. Je compte démontrer que ce roman comprend l’identité comme une tension plus ou moins angoissée entre, d’un côté, l’incapacité d’un sujet de rejeter ou de se débarrasser des racines géographico-culturelles et, de l’autre, l’impossibilité de vivre sans difficultés une diversité des identités nationales, culturelles, et autres – une tension qui peut diminuer mais ne disparaît jamais.
« Passions nostalgiques chez Leïla Sebbar. De l’autobiographie à la biofiction », Cécilia W. FRANCIS, Université Saint Thomas, Fredericton
La nostalgie s’impose souvent en tant que passion identitaire rencontrée dans les histoires de vie maghrébines infléchies par le déplacement post-colonial. Partant de sa filiation gréco-latine où se conjuguent « nostos » et « algos », renvoyant aux maladies du corps et de l’esprit provoquées par l’éloignement du lieu des origines, je me pencherai sur les expressions idiolectales et interculturelles de cette passion chez Leïla Sebbar, notamment au regard de Je ne parle pas la langue de mon père (2003) et Mes Algéries en France (2004). Dans ces récits intimistes, évocateurs de souvenirs personnels qui s’estompent et d’une mémoire collective assourdie ou défaillante, la nostalgie se révèle instigatrice d’une forte pulsion inventive élue comme moyen de pallier la fragilisation des origines (familiale, linguistique, culturelle). Dit autrement, l’énonciatrice n’accède aux « vérités » remontant aux années de sa jeunesse algérienne qu’au prix d’une incursion dans la biofiction (R. Robin 1996). Cette forme de (ré)invention du soi et de l’autre, d’altérité vitale de la survivance, à la fois idéalisée et douloureuse, déployée chez d’autres auteurs exilés, victimes de persécution sociale ou de migrations forcées, constitue une réaction esthétique essentiellement réparatrice permettant d’atteindre à une forme de conciliation identitaire, dont l’ultime véracité demeure secondaire.
Vendredi 30 juin, 14h15-15h45
Session I. Le rapport entre la littérature et le cinéma dans les pays francophones
Présidente : Dominique RYON
Secrétaire : Sarah GASPARI
« De Madeleine (Bourdouxhe) à Frédéric (Fonteyne), La Femme de Gilles s’épanche », Karin EGLOFF, Western Kentucky University
Certes, la femme de Gilles n’est pas ce que le lecteur du XXIe siècle pourrait entendre par « une héroïne », et pourtant, qu’on soit lecteur ou spectateur, on ne parvient jamais à s’en détacher. Adapté du roman éponyme de Madeleine Bourdouxhe, le film La Femme de Gilles est avant tout l’histoire d’une rencontre, au cours de laquelle les langues ne se délient que très peu, laissant la place aux regards qui se croisent et se parlent. Quand on a demandé au réalisateur belge Frédéric Fonteyne comment lui était venue l’idée d’adapter La Femme de Gilles, voici ce qu’il a répondu : « Ce livre m’est tombé dessus comme il a séduit plusieurs personnes ». Madeleine Bourdouxhe et Frédéric Fonteyne, chacun à sa façon, ont décidé d’aller explorer les hypothèses fondamentales concernant l’écriture visuelle. C’est le cheminement de cette écriture visuelle que cette communication s’attachera à suivre. La littérature et le cinéma ne sont pas toujours compatibles et l’adaptation d’un roman risque souvent d’être décevante. Le détournement du texte original est inévitable, même si parfois salutaire. Il est difficile de filmer ce qui est dit, mais il est encore plus complexe de montrer ce qui est pensé. C’était là le défi majeur de l’adaptation de La Femme de Gilles.
« Outremer ou le texte “répétitif” de l’amour et de la mort », Sarah Gaspari, Université de Venise Cà Foscari
L’Algérie française, l’après-guerre, trois histoires et trois sœurs qui font partie d’une riche famille de colons français : Zon, Malene, et Gritte. Les différentes destinées de ces trois femmes s’entrecroisent au fur et à mesure que le film progresse. Cette progression se fait par un procédé de répétition qui enrichit l’histoire à la fois de nouvelles informations et de nouvelles perspectives. Le tout est soumis au point de vue du « personnage principal » qui change de statut d’un épisode à l’autre, c’est-à-dire qu’au moment où le personnage principal devient secondaire et le personnage secondaire devient principal, l’histoire s’enrichit ou s’appauvrit de détails selon le nouveau point de vue. Ce procédé de répétition concerne surtout trois scènes que nous appellerons « scènes germinales » à cause du fait qu’elles sont comme des « germes » à partir desquels se développe ce texte/film : la scène du bateau ou la rencontre entre les trois sœurs et les trois partenaires, la scène de l’avion et la scène du bal. Il en résulte un film à épisodes unis entre eux par des procédés pseudo littéraires que Genette appellerait extradiégétiques (la musique), intradiégétiques et extradiégétiques (la mort). En effet, quoique la musique de l’amour triomphe et constitue un des liens les plus forts entre les trois épisodes, c’est plutôt la mort qui unifie et qui permet le passage d’un épisode à l’autre dans ce film que quelqu’un a même défini comme un Rashomon à la française !
« Retour d’Afrique : de l’écran à la page », Heather WEST, Samford University
Le roman Retour d’Afrique de l’écrivaine québécoise Francine D’Amour et le film éponyme du réalisateur suisse Alain Tanner explorent les mondes parallèles du voyage intérieur et extérieur. Tandis que dans le film un voyage psychologique est partagé par un couple subissant le dilemme d’un départ contrecarré pour l’Algérie, dans le roman, c’est une femme qui doit faire face seule à ses démons pendant que son mari est en Égypte. L’exil auto-imposé de Charlotte peut se comparer à celui du couple du film. L’isolement qui se présente aux protagonistes des deux œuvres force le lectorat/les spectateurs à ressentir de la compassion pour eux. Comme le dit Bernard Weiner, Tanner adhère à la narration traditionnelle en se concentrant sur les personnalités toutes humaines, ce qui est le cas chez D’Amour. Bien que le roman ne soit pas basé sur le film, encore une autre référence intertextuelle se présente : la durée de la solitude éprouvée par les personnages, qui représente celle d’une grossesse. Avant qu’elle ne puisse renaître, Charlotte doit exorciser, dans un monologue à son mari absent, ses dépendances et sa colère. Tandis que le couple du film peut et doit discuter ses problèmes, Charlotte ne peut parler qu’au vide. Cependant, son mari écrit non à elle, mais plutôt aux relations du couple, signant son nom et celui de sa femme comme si elle l’accompagnait. Dans cette étude, je me propose d’analyser et de comparer le rôle des modes de présentation et des modes interpersonnels de communication dans l’évolution des personnages pendant les périodes d’isolement.
Session II. Écritures maghrébines
Présidente : Zakia ROBANA
Secrétaire : Matilde MESAVAGE
« Assia Djebar et sa veine poétique », Ali YEDES, Oberlin College
Assia Djebar a écrit surtout des romans. Elle a fait aussi une tentative théâtrale et poétique. Cette communication se propose d’explorer sa veine poétique dans ses écrits de jeunesse où son nationalisme et son caractère féministe, qu’elle approfondira par la suite, étaient déjà présents.
« Le temps et Les Enfants du nouveau monde d’Assia Djebar », Anne Marie MIRAGLIA, Université de Waterloo
Je me propose de faire une étude approfondie de la représentation du temps dans le roman d’Assia Djebar, Les Enfants du nouveau monde. Je me pencherai sur le rôle joué par les déictiques temporels dans la ponctuation de l’écoulement du temps fictif et dans la représentation des événements constitutifs de l’action. Je montrerai ainsi comment la représentation d’un temps mort, subjectif et l’illusion de sa suspension servent aussi bien à structurer le récit qu’à suggérer la simultanéité des événements. Le temps sera donc étudié dans ses rapports aux thèmes dominants de ce roman où l’attente caractérise autant la vie des femmes que celle de la collectivité restée inactive pendant la guerre d’Indépendance.
« Concupiscence, transgression et déception dans La Fraude de Mohammed El Hassani », Matilde MESAVAGE, Rollins College
Depuis Le Passé simple (1954) de Driss Chraïbi, le thème de la rébellion contre la tyrannie féodale de la société se tisse dans le roman maghrébin. Les œuvres de Boudjedra, de Ben Jelloun et de Serhane, parmi d’autres, reprennent en développant ce thème de révolte contre une société hiérarchique et sclérosée qui accepte la répudiation, la corruption et la pourriture des institutions. Quarante ans après le scandale du Passé simple, Mohammed El Hassani dans La Fraude (1995) continue à exposer la face sordide de la société marocaine cachée par les murs de la honte. L’hypocrisie et la déception dissimulent la convoitise des corps et des biens jusqu’à l’éclatement de la férocité et de la rage, incoercible et crapuleuse. Les sept péchés capitaux marquent la perversion des passions dans une société en déchéance où règnent le chacun-pour-soi et le moi-d’abord. Le drame, qui s’étend sur une dizaine d’années, se divise en scènes propres au genre théâtral. Le désir de chaque personnage est mis en conflit avec ceux des autres. Nous proposons de suivre les étapes de déchéance inconsciente et la mauvaise foi des personnages principaux qu’une technique rhétorique savamment agencée met en valeur. Nous étudierons ensuite en quelle mesure l’investissement symbolique annonce, dès le début, la dégénérescence de la bourgeoisie minée par la concupiscence qui rivalise avec celle de la paysannerie, ce qui nous mènera à considérer la rançon de la transgression et des passions déchaînées.
« Femmes poètes ou féministes malgré elles ? », Zakia ROBANA, Alfred University
La poésie orale des femmes djerbiennes du sud Tunisien comme dans d’autres pays de l’Afrique du Nord est un immense patrimoine n’ayant immergé que ces dernières années, notamment avec les poètes berbères. Les poèmes choisis pour cette étude sont chantés dans le rite de passage le plus important – la cérémonie Zitouna (l’olivier) – par un groupe restreint de vieilles femmes qui jouissent de la notoriété comme du respect de leur communauté. Cette cérémonie domine toutes les cérémonies matrimoniales car elle marque un passage de grande importance, celui d’une vie sans soucis ni angoisse et le commencement d’une autre avec ses tensions et ses anticipations. Ces poèmes fortement codifiés et lourdement chargés de symboles et de métaphores ne sont en fait que des chroniques d’une société encore fidèle à une culture millénaire, profondément enracinée dans l’imaginaire djerbien, mais ils sont à la fois étroitement liés aux conditions réelles de la femme djerbienne. Dans cette étude nous examinons trois pôles qui dominent les chansons de la Zitouna : l’olivier, le palmier et le menzel (le foyer patriarcal). Nous montrons : Comment dans l’intimité de cette trilogie, symétrique, parabolique et symbolique la femme djerbienne a célébré ses rites de passage, articulé son désarroi, exprimé ses désirs et affranchi les tabous dans la quête de son identité et de sa raison d’être ; comment ces poètes ont fait usage de ces trois pôles pourvoyeurs de vie et de mémoire ; comment elles ont su former un écran derrière lequel elles ont arrangé savamment leurs repères pour forger une identité en devenir. Par conséquent, ces chansons de l’olivier, arbre emblématique, pourraient-elles être un symbole d’un féminisme en devenir ? Enfin nous montrons comment ce dynamisme kaléidoscopique entre le réel, la mémoire et l’imaginaire a créé un jeu et enjeu poussant l’auditeur à s’interroger sur le rôle joué par ces vieilles femmes poètes dans l’espace profane et l’espace sacré en tant que génératrices de communion et en tant que matrones.
Session III. L’« Onirisme esthétique », courant littéraire roumain aux résonances francophones II
Président : Nicolae BÂRNA
Secrétaire : Georgiana LUNGU BADEA
« L’identité hybride du Don-quichottisme chez Ionesco, Tsepeneag et Tănase », Laura PAVEL TEUTISAN, Université de Cluj
Par don-quichottisme, nous avons nommé ici, métaphoriquement, le problème de la représentation littéraire et théâtrale, la primauté de la représentation par rapport au « fait » représenté, de l’Illusion par rapport à un référent de plus en plus fantomatique, au soi-disant « réel ». L’étude porte sur la fictionnalisation de plus en plus accentuée de l’identité déjà hybride de certains écrivains roumain-français comme Eugène Ionesco, Dumitru Tsepeneag et Virgil Tănase. L’oscillation tensionnée entre deux identités linguistiques et culturelles, entre deux ou plusieurs âges auctoriels tend à se résoudre, mais sur un mode sysifique et parfois onirique, dans la fugue sur la frontière ambiguë fiction-réalité.
« Porter l’onirisme en abscisse. Les Singapouriens », Linda Maria BAROS, Université Paris IV Sorbonne et Université de Bucarest
« Il est écrit sur notre oriflamme : Dimov, Neacsu, Tsepeneag ! ». Un mouvement de révolte contre les canons du réalisme socialiste transformé en mouvement littéraire d’une grande originalité et d’une grande puissance, voilà la définition de l’onirisme. Ce mouvement ne s’est pas bâti autour d’un manifeste onirique ; bien au contraire, le programme s’est esquissé au fur et à mesure que les écrivains et les poètes, qui plus tard seront considérés comme des oniristes, se sont affirmés chacun avec un style propre. Dumitru Tsepeneag a réuni sous cette enseigne des gens de lettres qui refusaient de se plier aux rigueurs du réalisme socialiste. Rentré de Paris, il a eu l’idée de créer un groupe d’évasion, de quitter le « droit chemin » de la censure. Cette évasion supposait une mise à distance du dogme, leurs écrits ne pouvant pas être jugés d’après les canons de l’époque. Un jour, lorsqu’il se trouvait avec ses amis écrivains, Dumitru Tsepeneag s’est écrié : « Allons, on va l’appeler onirisme ! ».
« Pigeon vole de Dumitru Tsepeneag : une fiction musicalisée et ses implications pour la francophonie », Magdalena DRAGU, Institut d’histoire et théorie littéraires G.-Calinescu
Dans cette communication nous démontrons que le roman Pigeon Vole est construit sur la structure de la musique sérielle. La structure musicale du texte a été utilisée par Tsepeneag pour cibler l’un des problèmes de la littérature francophone, sa pluriculturalité. Nous allons analyser le roman en tenant compte de quelques principes théoriques proposés par Werner Wolf dans son livre The Musicalization of Fiction (Rodopi, 1999). Pour reconnaître la forme sérielle du roman on analyse les évidences circonstancielles/contextuelles indirectes, concernant l’information « culturelle et biographique de l’auteur », autres situations de fictions musicalisées et les évidences circonstancielles/contextuelles directes, les thématisations de l’auteur sur la musicalité de texte en question. Nous continuons avec les évidences textuelles, en montrant que nous sommes en face d’une intermédialité cachée, non ouverte (où seulement les signifiants de médium littéraire sont apparents). Cette affirmation est soutenue par l’existence dans le texte du roman de principes d’auto-référentialité, départ de la consistance grammaticale et plausibilité narrative. La dernière partie de notre communication va traiter de la mise en évidence décisive afin d’établir l’existence d’un texte musicalisé, évidence représentant les analogies structurelles avec la musique sérielle. La question qui se pose à la fin de cette étude est celle de comment les écrivains étrangers qui ont adopté la langue et la culture française, résolvent ce problème d’adaptation de style aux nouvelles dimensions culturelles qu’ils choisissent volontairement.
« Échos de l’onirisme esthétique : des romans de Virgil Tanase », Oana SOARE, Institut d’histoire et théorie littéraires G.-Calinescu
À partir de trois romans de l’écrivain onirique français d’origine roumaine, Virgil Tanase (Portrait d’homme à la faux dans un paysage marin, L’Apocalypse d’un adolescent de bonne famille et Ils refleurissent, les pommiers sauvages), j’envisage d’en souligner les différences d’ordre thématique, de construction, de technique narrative, et de révéler, ainsi, la métamorphose subie par le concept d’onirisme esthétique (courant littéraire roumain qui, par certains de ses représentants devenus écrivains français, a eu des échos dans la francophonie).
Session IV. Figurations contemporaines de l’Europe de l’est
Présidente : Winifred WOODHULL
Secrétaire : Mária Minich BREWER
« Visages et paysages chez Lorand Gaspar : traits poétiques d’une errance », Maha BEN ABDELADHIM, Université de Paris IV
De chacun des livres de Lorand Gaspar surgit cette errance, ce vertige du lieu, de l’appartenance ; de la Transylvanie à la Transjordanie, en passant par la Grèce et la Tunisie, les déplacements constants vers des centres intensifs prennent tout sur leur passage, mer et désert engloutissent les paysages dans une réflexion sur la destination et l’origine. Poète de la transhumance, ses voyages épousent le mouvement, aléatoire et oscillatoire, de la parole intérieure. Recouvrant son visage de nomade au prix de la désintégration des lieux. Vouée à sa perte, à l’égarement, la poésie doit demeurer soif pour maintenir la tension qui oriente son tissage. Pris dans la mouvance éperduede sa quête, le poète emprunte des visages de passage. Le temps d’un repos, il cherche à se poser dans ces masques provisoires et transparents de l’écriture. Au fil de l’errance, des traits singuliers se forment, se confondent et deviennent des relais incontournables qui finissent par se superposer à ce point d’arrêt qu’est leur implacable ressemblance avec le visage du poète. Espace de la répétition, du retour du même, le désert est, comme les îles, archipélique : un paysage où cristallisent des îlots de sens. Les textes de Gaspar glissent les uns dans les autres. Les traversées de Gaspar sont le lieu où se fondent les itinéraires des bédouins et des marins qui scellent la continuité entre grécité et judéo-arabité. Marins et bédouins ont ces visages travaillés, témoins d’une parole en œuvre. Ils font partie de ces paysages mouvants comme une page d’écriture et apprennent au poète à « aimer être un visage du vivant ». Il s’agit de territorialiser le langage : Gaspar va dénouer, en dévoilant son opacité, les lignes de résistance de l’altérité en faisant de chaque visage un pré-texte, un sol absolu.
« À la recherche d’une identité entre passé, mémoire et migrance : la voix des femmes de l’Europe de l’Est », Elena MARCHESE, Université d’Ottawa
La littérature migrante au Québec témoigne de plus en plus d’un foisonnement fécond d’auteurs d’origine très diverse dont les œuvres explorent la question identitaire parmi tant d’autres. Dans cette communication, je me propose donc de mettre en lumière le processus identitaire dans les œuvres de trois écrivaines migrantes originaires des Balkans : Aline Apostolska, macédonienne, Sonia Kaleva Anguelova, bulgare, et Ljubica Milićević. À partir donc de l’expérience déchirante de l’exil, les personnages féminins des romans d’Apostolska (Tourmente, 2000, et Lettre à mes fils qui ne verront jamais la Yougoslavie, 2000), d’Anguelova (Abécédaire des années d’exil, 2001) et de Milićević (Le chemin des pierres, 2002) doivent se confronter à l’altérité pour se forger une identité. Ce processus complexe qui se fait aussi au prix d’une aliénation profonde de la part des personnages, implique également la confrontation au passé. Or, dans le cas d’Aline Apostolska et de Ljubica Milićević, il est intéressant de noter que l’histoire personnelle du déracinement des personnages se soude à l’histoire collective de leur pays, la Yougoslavie, ravagé par une guerre abominable. De ces écritures émerge la nécessité, pour le migrant, de trouver une harmonie intérieure qui lui permette d’affronter sa situation d’exilé, d’individu partagé entre deux mondes. Cela ne peut se faire qu’en remémorant le passé, garant d’une continuité entre une réalité qui se situe dans l’espace de la mémoire et le présent. Pour le migrant, la recherche identitaire constitue un processus qui ne s’achève jamais mais qui continue à s’écrire au fil des nombreuses et fructueuses expériences vécues.
« L’incommensurable : affect, mémoire et événement chez Agota Kristof », Mária Minich BREWER, University of Minnesota
Cette présentation interroge la problématique de l’incommensurable qui, dans la modernité, accompagne les représentations des événements historiques, de la mémoire et du lien socio-symbolique. Focalisée sur la crise du commensurable ou de la commune mesure chez Agota Kristof, cette présentation se propose d’en élaborer les dimensions esthétiques, culturelles, psychiques et historiques dans son œuvre romanesque, dramatique et autobiographique (les romans de la trilogie – Le Grand cahier, La Preuve, Le Troisième mensonge –, les pièces de L’Heure grise et autres pièces, et L’Analphabète : Récit autobiographique). Paradoxalement, la problématique de l’incommensurable engage, de manières inédites, plusieurs dimensions de la subjectivité. Dans les textes de Kristof, les fractures entre mondes incommensurables se logent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du sujet, où elles sont inscrites comme traumatismes individuels et historiques. Je m’intéresserai particulièrement à l’affect et la lecture de ses figures dans les contextes d’une carence de commune mesure ; une nouvelle sémantique affective émerge, justement, au creux de la figuration de l’incommensurable.
« Le cinéma, médiateur culturel : Krzystof Kieslowski et Emir Kusturica », Winifred WOODHULL, University of California, San Diego
Dans cette communication il s’agira d’analyser le travail de deux réalisateurs importants de notre époque, le Polonais Kieslowski et le Bosnien Kusturica, afin de montrer la façon dont le cinéma figure les fractures, les tensions, et les transformations des sociétés européennes de 1990 à nos jours. L’Europe de l’Ouest et « l’autre » Europe, les migrations volontaires et autres, le brassage des langues, des ethnies, des pratiques culturelles, les processus de marginalisation qui persistent – on verra comment le cinéma les met en scène, réarticulant les relations afin d’ouvrir un nouvel espace à la fois symbolique, affectif et social. On examinera en particulier deux films de Kieslowski, La double vie de Véronique (1991) et Blanc (1993), le deuxième volet de sa trilogie Bleu, Blanc, Rouge, aussi bien que Underground (1995) de Kusturica, sur « l’autre » Europe communiste et post-communiste. Ensuite on se penchera sur le film collaboratif All the Invisible Children (2005), fait par Kusturica, Mehdi Charef, Spike Lee et d’autres, sur les enfants oubliés, abandonnés partout dans le monde. Ce dernier film, composé de sept courts métrages en plusieurs langues et traitant de diverses régions géopolitiques, nous invite implicitement à re-penser la fonction des études francophones face à la mondialisation.